Fin du dédommagement automatique pour les salariés

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Dans une décision du 16 avril 2016, la Chambre sociale de la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence en matière de réparation des préjudices revendiqués par les salariés. L’octroi de dommages-intérêts n’est désormais plus systématique en cas de constat d’un manquement de l’employeur dans l’exécution d’une obligation qui lui incombe.

Auparavant, les juges considéraient que le non-respect de certaines obligations par l’employeur causait « nécessairement un préjudice au salarié » (Cass. soc., 11 janv. 2006, n° 03-46933), ouvrant un droit à réparation systématique, sans nécessité de justifier de l’existence d’un préjudice. De telles condamnations se retrouvaient à propos de l’inobservation de la procédure de licenciement, de la non remise ou la remise tardive de documents sociaux, de l’absence d’organisation de la visite médicale périodique ou de reprise, de l’illicéité d’une clause de non concurrence ou encore du défaut d’information sur les droits à formation (du temps du DIF) ou de la portabilité de la prévoyance.

La Cour de cassation met fin à cet automatisme dans sa décision du 16 avril. En l’espèce, l’employeur n’avait pas fourni les bulletins de paie, bien que les salaires aient été régulièrement versés, ni le certificat de travail en fin de contrat. Dès le stade de la conciliation, cette omission avait été régularisée mais le salarié avait néanmoins sollicité des dommages-intérêts au titre d’un préjudice nécessairement causé du fait du retard dans la remise de ces éléments.

Le Conseil de prud’hommes de Lisieux, statuant en dernier ressort dans sa décision du 3 décembre 2013, avait refusé au salarié l’octroi de dommages-intérêts dans la mesure où celui-ci ne démontrait pas son préjudice. La Cour de cassation a suivi les juges du fond dans un attendu de principe :

« Mais attendu que l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ; que le conseil de prud’hommes, qui a constaté que le salarié n’apportait aucun élément pour justifier le préjudice allégué, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision »

La Chambre sociale rejoint à cet égard les autres chambres de la Cour de cassation qui avaient déjà une appréciation plus restrictive des demandes indemnitaires en exigeant systématiquement la démonstration d’un préjudice effectivement subi.

Cass. soc., 13 avril 2016, n° 14-28293