Les brèves à la une

Validité d’une élection professionnelle et contestation de la liste électorale

La Cour de cassation rappelle que la saisine du Tribunal d’instance par des organisations syndicales en vue d’inclure à la liste électorale des salariés mis à disposition n’a pour effet ni de suspendre le processus électoral, ni de caractériser une contestation des élections.

La Cour de cassation précise qu’un litige relatif à la constitution des listes électorales n’entraine pas « l’annulation des élections qui ont suivi et à l’encontre desquelles aucune demande d’annulation n’a été formée dans le délai de quinze jours prévu par les articles R.2314-28 et R. 2324-24 du code du travail, alors applicables, le tribunal en a justement déduit que les élections, intervenues pendant la procédure de cassation et non contestées, sont purgées de tout vice. »

Cass. soc. 7 février 2018 n°16-20944

Quelle force probante d’une attestation ?

Dans un arrêt du 15 janvier 2018, la Cour d’appel de Limoges admet que « les attestations sont très souvent le seul moyen de prouver des faits par essence non publics » et les affirmations d’une ambiance de travail déplorable ou d’un management critiquable ne sont pas suffisantes à priver ces écrits de leur valeur, d’autant plus lorsqu’ils sont concordants.

La Cour retient également, s’agissant d’un établissement accueillant des adultes traumatisés craniens avec des lésions cérébrales acquises, que les propos recueillis auprès d’un résident ne sauraient être écartés dès lors « qu’aucun élément du dossier ne fait état d’un état de santé psychique faussant sa perception de la réalité ».

Une mise à pied disciplinaire de trois jours est donc considérée comme une sanction proportionnée dès lors que le comportement punitif de la salariée à l’encontre du résident est démontré par les attestations ayant relayé la plainte de celui-ci, peu important les éléments justifiant que la salariée était une professionnelle appréciée.

De la nécessité de motiver avec soin la lettre de licenciement économique

Un attaché commercial avait été employé en 1993 avant d’être licencié pour motif économique près de 20 ans plus tard, en 2012.  En 2016, la Cour d’appel de Grenoble a condamné son employeur à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans sa décision du 15 juin 2017, la Chambre sociale de la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel en indiquant que la lettre de licenciement économique doit explicitement contenir la raison économique du licenciement :

« Mais attendu qu’après avoir exactement rappelé les termes de la lettre de licenciement, la cour d’appel a justement retenu qu’elle ne comportait pas l’énonciation de la raison économique du licenciement, la seule circonstance que le marché aurait changé ne pouvant tenir lieu d’une telle raison ; que le moyen n’est pas fondé ; »

La Cour d’appel de Grenoble avait auparavant précisé les contours de cette exigence, en indiquant la nécessité de faire apparaître « concrètement l’énonciation de difficultés économiques, de mutations technologiques ou de nécessité de réorganisation de l’entreprise que rencontrait l’entreprise« , ou « un lien entre un motif économique et la suppression du poste » dans la lettre de licenciement.

Cass. soc. 15 juin 2017, n°16-16611 

Un fait unique peut caractériser le harcèlement sexuel

Dans une décision du 17 mai 2017, la Chambre sociale de la Cour de cassation a considéré qu’un fait unique pouvait caractériser un harcèlement sexuel d’un employeur à l’égard de son employée.

En l’espèce, la salariée d’une association avait fait l’objet de remarques déplacées de la part de son président. Ce dernier lui avait conseillé de « dormir avec lui dans sa chambre », « ce qui lui permettrait de lui faire du bien », ce en réponse aux plaintes de coups de soleil de la salariée. Contrairement à la Cour d’appel de Metz, la Cour de cassation a considéré que ces remarques constituaient « un fait qui permettait de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel ».

Cette appréciation tranche avec celle de la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du Ministère de la justice qui porte à deux agissements le plancher nécessaire à la caractérisation d’un comportement de harcèlement sexuel, sauf circonstances graves.

La Chambre sociale casse ainsi l’arrêt de la Cour d’appel déboutant la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l’association à son obligation de sécurité.

Cass. soc., 17 mai 2017, n° 15-19300

Expert du CHSCT : l’intervention peut être limitée par le secret médical

Par un arrêt du 20 avril 2017, la Chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que le directeur d’un centre hospitalier pouvait restreindre l’accès d’un expert du CHSCT à certaines parties de l’établissement.

Dans cette affaire, le CHSCT de l’établissement avait mandaté un expert chargé d’émettre un avis sur la charge de travail des agents et l’inadaptation des locaux et du matériel. La Cour a validé la décision du directeur d’empêcher l’expert d’accéder à certaines parties des locaux ou à certaines informations afin de ne pas porter atteinte au secret médical. La Haute juridiction précise à cette occasion que l’expert n’est pas dépositaire du secret médical et que de telles restrictions sont possibles dans la mesure où celui-ci peut exercer sa mission à travers d’autres moyens d’investigation, notamment l’audition des agents et la visite des lieux en l’absence des patients.

La Cour de cassation a ainsi motivé sa décision :

« Mais attendu, d’abord, qu’il résulte des alinéas 1 et 2 de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique que toute personne prise en charge par un établissement de santé a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant, que ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance de tout membre du personnel de ces établissements et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements, qu’il s’impose également à tous les professionnels intervenant dans le système de santé ; que la cour d’appel en a exactement déduit que l’expert mandaté par le CHSCT en application de l’article L. 4614-12 du code du travail, lequel n’est pas en relation avec l’établissement ni n’intervient dans le système de santé pour les besoins de la prise en charge des personnes visées par l’alinéa 1 de l’article L. 1110-4 précité, ne pouvait prétendre être dépositaire dudit secret ;

 Et attendu, ensuite, que, procédant à la recherche prétendument omise, la cour d’appel, qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté d’une part que le motif du recours à l’expertise était l’accroissement de la charge de travail et l’inadaptation des locaux, d’autre part que l’expert disposait de moyens d’investigation tels que l’audition des agents, l’examen des plannings et la visite des lieux hors la présence des patients, de sorte que ces moyens suffisaient à l’accomplissement de sa mission, a légalement justifié sa décision ; »

Cass. soc., 20 avril 2017, n°15-27927 / 15-27955